Des fleurs pour Algernon



Il y a des histoires qu’on porte en soi longtemps après les avoir lues. Des fleurs pour Algernon fait partie de celles-là. C’est le cas pour moi en tout cas. Cette œuvre bouleversante de Daniel Keyes explore les vertiges de l’intelligence et la fragilité de l’âme humaine. La transposer sur scène est un défi, tant elle touche à l’intime, tant elle parle à chacun de nous.

Et c’est un pari magnifiquement relevé ici, dans un seul en scène d’une grande justesse, porté par un acteur rare : William Mesguich.

Charlie Gordon n’est pas comme les autres. Il le sait, il le sent, sans bien comprendre ce qui le rend différent.

Sa gentillesse sincère, son désir d’apprendre, sa soif d’être « comme tout le monde » le rendent immédiatement attachant. Lorsqu’il est choisi pour une expérience scientifique – celle-là même qui a transformé Algernon, une souris de laboratoire, en être d’exception – sa vie bascule. Peu à peu, Charlie s’éveille à un monde auquel il n’avait jamais eu accès : le savoir, les émotions complexes, le regard des autres… et la solitude aussi. Car plus il comprend, plus il s’éloigne.

Ce monologue, écrit comme un journal intime, nous conte la trajectoire de Charlie : son ascension intellectuelle fulgurante, sa prise de conscience du mépris qu’il subissait, et l’appréhension de la redescente vers l’oubli, aussi tragique que bouleversante. La mise en scène minimaliste mais soutenue par deux musiciens permet à l’essentiel de s’exprimer : les mots, les silences, les regards.

William Mesguich incarne d’un changement de voix tous les personnages. Il est un Charlie avec une sensibilité qui serre le cœur. Il est tour à tour candide, lumineux, inquiet, désarmé. Et à travers lui, c’est notre humanité que l’on redécouvre, dans ce qu’elle a de plus fragile, mais aussi de plus beau.

Des fleurs pour Algernon nous interroge profondément : la quête de performance, de reconnaissance, d’“intelligence” a-t-elle un sens si elle nous éloigne de l’essentiel ? Peut-on vivre heureux sans comprendre, ou comprendre sans souffrir ? Et si la véritable sagesse résidait dans cette “intelligence du cœur” que Charlie semble posséder dès le début ?

 

Un moment de théâtre profondément émouvant, universel, à la frontière du conte et de la tragédie.

Si vous aimez être bouleversés, ne passez pas à côté de ce spectacle. (Pensez à réserver il affiche régulièrement complet)

Et si vous avez aimé le livre autant que moi… vous serez conquis.

 

Un double coup de cœur Passion Théâtre 

Agnès Guéry et Mathieu Guéry-Couratier